Le Suicide et le Chant, Poésie populaire des femmes pashtounes - 1994.

'Le Suicide et le Chant, Poésie populaire des femmes pashtounes'...
OUI, le titre fait peur,
OUI, vous vous demandez ' qu'est ce que c'est que ce machin?!'
Jugez plutôt de la douceur de ces tout petits poèmes:
"Mon amant préfère les yeux couleur de ciel,
Et je ne sais où changer les miens couleur de nuit."
" Dieu, est-ce donc un péché?
Tu as créé le jardin de ce monde et j'y ai pris la fleur qui vraiment me plaisait"
Le Suicide et le Chant est un recueil de poèmes très courts appelés 'landays'. Leur brièveté pourra rappeller de loin en loin les haïkus japonais. Une différence de taille cependant avec la poésie nippone: le vers pashtou est libre*.
La présentation et la défense de ce livre au sein d'un blog qui fait de la défense des classiques au sens traditionnel du terme, son cheval de bataille, pourra sans doute vous paraître déplacé.
Héritage de l'oralité, ces poèmes chantés n'en demeurent pas moins des références de la sensibilité et de la tradition littéraire afghane. Ils expriment avec grâce les espoirs des femmes des tribus nomades pashtounes soumises aux hommes du clan - père puis époux - jusqu'à leur mort.
Comment s'échapper, survivre dans cette vie qui n'en est pas une?
En prenant un ou plusieurs amants à leurs risques et périls; en se moquant du mari dont le surnom railleur de 'petit affreux' vous donne globalement l'idée du niveau d'attachement de leurs femmes. Le poème a donc une double fonction: bouée de sauvetage, qui célébre les joies de l'amour et de la sensualité, mais aussi arme par laquelle les femmes acquièrent une forme de supériorité sur les hommes en les tournant en dérision. *
Les femmes pashtounes survivent en chantant...
'Le "petit affreux" ne fait rien: ni l'amour ni la guerre.
Le soir, sitôt le ventre plein, il monte dans le lit et ronfle jusqu'à l'aube'
Enfin des poèmes dans lesquels ironie et sensualité s'entremêlent avec délicatesse, enfin une poésie accessible sans emphase et sans mysticisme! (je m'emballe.) Le thèmes sont extrêmement humains, ancrés dans le réél: l'amour, la douleur, l'exil...
- L'auteur
Un mot sur Sayd Bahodine Majrouh sans lequel ces petits poèmes ne seraient jamais parvenus jusqu'à nous, et qui a patiemment collecté les landays de ce livre en compagnie de son ami André Velter, journaliste au Monde: Sayd Bahodine Majrouh est considéré comme le plus grand poète afghan. Son oeuvre maîtresse s'intitule 'Ego Monstre' conte poétique, qui à l'image des poèmes des femmes pashtounes exprime la révolte. Il meurt en 1988, assassiné par des extrémistes musulmans.
André Velter écrit alors dans Le Monde:
"L'Afghanistan vient de perdre son plus grand poète. Pour donner la mesure du crime, il faut évoquer le destin de Federico Garcia Lorca (...) Son étude consacrée à la poésie populaire des femmes pashtounes prouve qu'il était bien un 'homme des Lumières' obéissant au double héritage des soufis et des philosophes, un homme luttant certes pour l'indépendance de l'Afghanistan, mais aussi pour qu'un nouveau régime, à l'avenir, y développe les libertés individuelles."
Ne ratez pas l'introduction qui explique les thématiques du landay et sa forme, ne fermez pas le livre avant d'avoir lu la postface de A.Velter, qui relate la genèse de ce livre et sa rencontre avec Sayd Bahodine Majrouh.
Le livre fini, l'admiration ressentie pour ces femmes et pour les auteurs ne s'estompe pas. On range alors soigneusement l'ouvrage sur une étagère accessible de la bibliothèque; tout en pensant que, vraiment, ce serait faire un bon investissement que d'envoyer nos écrivains français en petit stage de remise à niveau à Kaboul...
- Quels lecteurs pour LSELCPPFP?
Mon petit frère de 15 ans a adoré et l'a conseillé à ses copains.
Pour adultes et ado, passages parfois un peu olé olé, mais tout en subtilité et en poésie!
Pour les gens pressés, qui prennent le métro, qui 'n'ont pas le temps'. Ces poèmes se grignotent au fur et à mesure comme des petits bonbons, pendant un trajet, à la pause déjeuner, en attendant les enfants à la sortie des classes...
Pour les flemmards: la forme très courte du landay est très facile et percutante.
'Le Suicide et le Chant, Poésie populaire des femmes pashtounes' est disponible dans toutes les bonnes librairies, éd Gallimard, coll Connaissance de l'Orient.
132 pages .
Traduit du pashtou adapté et présenté par André Velter et l'auteur.
* tiré de l'introduction.
Impressionnant...
RépondreSupprimerOn attend la suite !
MT
un petit grignotage bien envoûtant !
RépondreSupprimerMTL
J'ai hâte de revenir en France pour dévorer ces chants. Ta description ne peut qu'attiser notre curiosité !
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