PopUpOème : Monologue de Richard III - Shakespeare - Acte I, scène I

Donc, voici l’hiver de notre déplaisir
changé en glorieux été par ce soleil d’York ;
voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison
ensevelis dans le sein profond de l’Océan !
Donc, voici nos tempes ceintes de victorieuses guirlandes,
Nos armes ébréchées pendues en trophée,
nos alarmes sinistres changées en gaies réunions,
nos marches terribles en délicieuses mesures !
La guerre au hideux visage a déridé son front,
et désormais, au lieu de monter des coursiers caparaçonnés
pour effrayer les âmes des ennemis tremblants,
elle gambade allègrement dans la chambre d’une femme
sous le charme lascif du luth.
Mais moi qui ne suis pas formé pour ces jeux folâtres,
ni pour faire les yeux doux à un miroir amoureux,
moi qui suis rudement taillé et qui n’ai pas la majesté de l’amour
pour me pavaner devant une nymphe aux coquettes allures,
moi en qui est tronquée toute noble proportion,
moi que la nature décevante a frustré de ses attraits,
moi qu’elle a envoyé avant le temps
dans le monde des vivants, difforme, inachevé,
tout au plus à moitié fini,
tellement estropié et contrefait
que les chiens aboient quand je m’arrête près d’eux !
eh bien, moi, dans cette molle et languissante époque de paix,
je n’ai d’autre plaisir pour passer les heures
que d’épier mon ombre au soleil
et de décrire ma propre difformité.
Aussi, puisque je ne puis être l’amant
qui charmera ces temps beaux par leurs,
je suis déterminé à être un scélérat
et à être le trouble-fête de ces jours frivoles.
J’ai, par des inductions dangereuses,
par des prophéties, par des calomnies, par des rêves d’homme ivre,
fait le complot de créer entre mon frère Clarence et le roi — une haine mortelle.
Et, pour peu que le roi Édouard soit aussi honnête et aussi loyal
que je suis subtil, fourbe et traître,
Clarence sera enfermé étroitement aujourd’hui même,
en raison d’une prédiction qui dit que G
sera le meurtrier des héritiers d’Édouard.
Replongez-vous, pensées, au fond de mon âme !
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