Thérèse Desqueyroux - François Mauriac.
J’entends vos récriminations !
" Encore une héroïne qui s'appelle Thérèse, encore une meurtrière! N' a -t-on pas déjà fait le tour de la question avec Zola il y a deux mois ?! " (cf Thérèse Raquin, vu dans ce même blog. )
Je me confonds en excuses, mais remets ça quand même !
- L’auteur :
François Mauriac naît en 1885 dans une famille bourgeoise et catholique pratiquante. Il entre à l’Ecole des Chartes qu’il abandonne deux ans plus tard pour se consacrer à l’écriture. Ses débuts sont heureux, il publie sous l’aile de Maurice Barrès notamment Le Baiser au lépreux (1922), Le Fleuve de feu (1923), Génitrix (1923), Le Désert de l’amour (1925), Thérèse Desqueyroux (1927), Le Nœud de vipères (1932), Le Mystère Frontenac (1933).
La politique ne tarde pas à s’immiscer dans sa vie de ce ‘catholique qui écrit’ comme il se définit lui-même. Ses engagements pendant la guerre – « résistant intellectuel », il intègre le Front National des Ecrivains en 1942 et publie clandestinement Le Cahier Noir - font de lui un proche de Gaulle avec lequel il entretient néanmoins des relations complexes : s’ils s’estiment profondément, il est souvent difficile à Mauriac de décrypter la psychologie secrète du Général.
A la Libération, Mauriac s’oppose à la vague d’épuration du milieu littéraire, prenant par exemple (et en vain) la défense de Brasillach. Elu à l’Académie française en 1933, Prix Nobel de Littérature en 1952, journaliste au Figaro littéraire et à l’Express à partir de 1961, il meurt à Paris en 1970.
Thérèse Desqueyroux s’inspire de faits réels : Mauriac assiste en 1906 au procès d’Henriette-Blanche Canaby, accusée d’avoir empoisonné son mari, puis acquittée. Mauriac cherche peut-être dans ce livre à « sonder les abîmes du mal et chercher à percer les mystères de la Rédemption. » (Site de l’Académie Française .)
- Résumé
Thérèse est une jeune femme intelligente, pas franchement belle mais dont on ‘ subit le charme ’. Enfant, elle aime bavarder avec sa jeune et dévote amie Anne de la Trave. Plus tard, Thérèse épouse son frère, Bernard de la Trave, dans une sorte de rêve dont elle ne se réveille que le jour du mariage. Elle comprend alors dans quel piège elle s’est elle-même jetée, et ce que son corps va souffrir d’irrémédiable. Ce deuil de la pureté est chez Thérèse, une cassure qui s’aggrave au fil des ans.
Prisonnière de son mari et de sa famille, prisonnière d’Argelouse où elle semble condamnée à vivre, Thérèse ne trouve d’autre voie de sortie que celle d’empoisonner lentement son mari à l’arsenic.
Mais Bernard ne meurt pas. Thérèse est accusée d’empoisonnement puis acquittée. Le roman s’ouvre sur le ‘non lieu’ qui sanctionne son procès. Elle doit rejoindre Bernard dans la soirée à Argelouse, et retrouver les murs de sa prison. Dans le train qui l’emmène, Thérèse tente de comprendre son geste, et trouver que dire à son mari le soir venu… Mais le train s’arrête, il faut descendre : Bernard l’attend sur le quai, bien décidé à la claquemurer dans sa chambre cette femme par qui le scandale arrive et qui pourrait compromettre les intérêts de la famille Desqueyroux.
- Extrait
« Oui, je n’avais pas du tout le sentiment d’être la proie d’une tentation horrible ; il s’agissait juste d’une curiosité un peu dangereuse à satisfaire. Le premier jour où, avant que Bernard entrât dans la salle, je fis tomber des gouttes de Fowler dans son verre, je me souviens d’avoir répété : « Une fois, pour en avoir le cœur net… je saurai si c’est cela qui l’a rendu malade. Une seule fois et ce sera fini. »
- Parlons-en
Thérèse Desqueyroux, Thérèse Raquin :
Deux héroïnes préméditent l'assassinat de leur médiocre mari. Que s'apaisent ceux qui par cet article craignent une resucée de Zola: les deux héroïnes sont si dissemblables, qu'on s'amuserait presque à chercher les différences d'un ouvrage à l'autre.
Si Thérèse Raquin parvient à noyer son époux avec l'aide de son amant, Thérèse Desqueyroux, elle, ne parvient pas à envoyer Bernard ad patres.
Thérèse Raquin assiste au meurtre de son époux en spectateur, laissant Laurent le précipiter dans l'eau. Thérèse Desqueyroux est seule à agir, et empoisonne sciemment Bernard.
Thérèse Raquin assiste au meurtre de son époux en spectateur, laissant Laurent le précipiter dans l'eau. Thérèse Desqueyroux est seule à agir, et empoisonne sciemment Bernard.
Ces différences (deux parmi d'autres) viennent peut-être des démarches divergentes de Mauriac et Zola. Zola souhaitait dépeindre scientifiquement les résultats de l'association des caractères (bilieux et sanguin) de Thérèse et Laurent, se posant en observateur tout en laissant ' s'emballer ’ la machine du meurtre.
Mauriac semble prendre adopter une optique beaucoup moins descriptive et beaucoup plus analytique : il s'engage auprès de son héroïne, en cherchant à la comprendre et non pas à la décrire. Le texte est plus introspectif: Thérèse, prisonnière du train qui la ramène à son mari et à Argelouse qu’elle abhorre, revient sur sa vie et sur les événements qui l’ont poussée à devenir une meurtrière.
Mauriac semble prendre adopter une optique beaucoup moins descriptive et beaucoup plus analytique : il s'engage auprès de son héroïne, en cherchant à la comprendre et non pas à la décrire. Le texte est plus introspectif: Thérèse, prisonnière du train qui la ramène à son mari et à Argelouse qu’elle abhorre, revient sur sa vie et sur les événements qui l’ont poussée à devenir une meurtrière.
La province et la famille : les geôliers de Thérèse.
Mauriac dépeint la vie provinciale à laquelle il était très attaché : Thérèse est deux fois prisonnière, captive à la fois d’une famille traditionnelle et bornée, et du petit village d’Argelouse. Dans cet environnement sclérosant, le premier drame de Thérèse est de son intelligence et de sa lucidité sur la médiocrité des gens qui l’entourent. Très vite, elle se rend compte qu’elle ne peut vivre dans cet environnement étriqué et mesquin. Les conventions l’écrasent, les idées de son mari dont les actions sont conduites par les intérêts familiaux et la peur du scandale l’insupportent et la poussent à commettre l’irréparable.
Le plaisir absent.
Ajoutons à ce sentiment d’emprisonnement celui de l’avilissement du corps et une sexualité subie et haïe, et l’on a alors une explication plus précise du geste irrémédiable perpétré par Thérèse. Elle éprouve une violente admiration envers sa belle - sœur, Anne, dont elle envie la pureté et l’innocence.
Quand Anne tombe amoureuse de Jean Azévédo, et éprouve « la joie charnelle, la seule tangible », comme le disait Mauriac lui-même, Thérèse se révolte : l’admiration muette et l’amour qu’elle porte à sa belle-sœur se mue alors en une jalousie destructrice.
Quand Anne tombe amoureuse de Jean Azévédo, et éprouve « la joie charnelle, la seule tangible », comme le disait Mauriac lui-même, Thérèse se révolte : l’admiration muette et l’amour qu’elle porte à sa belle-sœur se mue alors en une jalousie destructrice.
- Thérèse Desqueyroux, oui, mais pour qui ?
Pour un public prêt à recevoir en pleine tête les confessions d’une meurtrière, désespérée et pleine de doutes, à un moment charnière de sa vie, c'est-à-dire pas pour tout le monde !
A chacun de juger du moment opportun pour se saisir de Thérèse Desqueyroux...
A chacun de juger du moment opportun pour se saisir de Thérèse Desqueyroux...
Une écriture incroyable, très pure et directe, sans fioritures. Le style va droit au cœur, Mauriac a le talent de recréer des émotions authentiques. Le dépouillement d’une écriture parfaitement maîtrisée rend d’autant plus marquant ce portrait de meurtrière, que l’introspection et le style de l’auteur mettent à nue.
Temps de lecture : 2 heures.
184 pages.
A partir de 16 ans.
184 pages.
A partir de 16 ans.
- Vous avez aimé ? Découvrez…
ARTICLE: Lire l'article François Mauriac et le Général de Gaulle , sur le site de la Fondation Charles de Gaulle :http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1958-1970-la-ve-republique/de-gaulle-et-la-culture/analyses/francois-mauriac-et-charles-de-gaulle.php
LIVRE: La Fin de la nuit : C'est la suite de Thérèse Desqueyroux. Quinze ans après ‘ l’affaire’, Thérèse vit à Paris et revoit sa fille, la petite Marie.
FILM: Thérèse Desqueyroux, de Georges Franju, paru en 1962 avec Emmanuelle Riva (Thérèse Desqueyroux) et Philippe Noiret (Bernard Desqueyroux). Les archives de l’INA montrent des extraits du tournage : http://www.ina.fr/art-et-culture/beaux-arts/video/BOC9001101987/dans-cette-demi-tenebre-tournage-du-film-therese-desqueyroux.fr.html
Par ici pour voir la bande annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19407369&cfilm=181845.html
- Commandez maintenant Thérèse Desqueyroux :
Site FNAC : http://livre.fnac.com/a208519/Francois-Mauriac-Therese-Desqueyroux (3, 80 euros).
je l'a aimé )
RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerMerci de votre commentaire, dont je suis ravie. N'hésitez pas à me donner votre feedback sur les autres lectures de ce blog, je suis curieuse de votre opinion.
Bien à vous et bonne journée,
S.
Le livre est pas mal du tout, c'est bien écrit et puis on sent bien que cette femme n'est pas à sa place dans cette société. j'ai aussi aimé l'adaptation à l’écran de Claude Miller .
RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerMerci de votre message et de votre commentaire sur le fond. En effet, cette malheureuse Thérèse semble - douce litote - bien décalée avec son environnement...Quant à l'adaptation de Claude Miller, je ne l'ai pas vue, mais j'y cours !
Bien à vous,
S.