Les Confessions (Livre I à IV) - J.J Rousseau - 1712 à 1731

En voilà un dont on n'est pas près d'oublier le nom. Tout le monde le connaît, on opine du chef dès qu'il en est question dans une conversation mondaine, comme à ce récent dîner pendant lequel votre voisine de table vous a expliqué qu'elle a " littéralement A-DO-RÉ Les Confessions ".
En ce qui vous concerne, vous avez peut-être lu quelques extraits des ouvrages de JJR au lycée, il y a bien longtemps de cela et... bon sang, vous ne vous rappelez pas une ligne!
De toute façon, " Jean-Jacques, c'est décidément trop ennuyeux ", vous semble une excuse bien trouvée pour échapper à ce pensum.
Il est temps d'agir! Rousseau, c'est sympa, c'est drôle, c'est émouvant, c'est terriblement 2017! Et on commence avec quelques éléments biographiques...
Jean-Jacques est le fils d'un horloger. Sa mère meurt en lui donnant naissance en 1712 à Genève. Après quelques années d'errance et d'aventures, il rencontre vers 16 ans Mme de Warens, qui devient sa protectrice et qu'il appelle "Maman". Il monte ensuite à Paris, rencontre Diderot et Marivaux, collabore à l'Encyclopédie. Son Discours sur les sciences et les arts et son Discours sur l'origine de l'inégalité le rendent célèbre. Il écrit ensuite La nouvelle Héloïse qui reste son grand succès romanesque, puis coup sur coup Le Contrat social et Émile en 1762. Rousseau, qui y professe une religion sans dogme, se retrouve condamné par le Parlement de Paris: ses deux derniers livres sont interdits et le voilà contraint à fuir en Angleterre et en Suisse. Il revient en France en 1769 pour terminer ses Les Confessions (1765-1770) et les complète par les Rêveries d'un promeneur solitaire.
Rousseau s'éteint à Ermenonville en Juillet 1978.
Les Confessions comportent 12 tomes, et sont divisées en deux grandes parties. La première relate les années 1712-1740, la seconde, les années 1741-1765.
- Résumé
- Extrait
J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? personne autre que moi n'était entré dans la chambre. On m'interroge : je nie d'avoir touché au peigne. M. et Mlle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté ; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge l'obstination parurent également dignes de punition ; mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d'un autre délit, non moins grave : nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Ainsi me laissèrent-ils en repos pour longtemps.
On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l'éclat le plus affreux, je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort, et j'y serais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant, car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin, je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n'ai pas peur d'être aujourd'hui puni derechef pour le même fait ; et bien, je déclare à la face du Ciel que j'en étais innocent, que je n'avais ni cassé, ni touché le peigne, que je n'y avait pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit : je l'ignore et ne puis le comprendre ; ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent.
(...)
Là fut le terme de la sérénité de ma vie enfantine. Dès ce moment je cessai de jouir d'un bonheur pur, et je sens aujourd'hui même que le souvenir des charmes de mon enfance s'arrête là. Nous restâmes encore à Bossey quelques mois. Nous y fûmes comme on nous représente le premier homme encore dans le paradis terrestre, mais ayant cessé d'en jouir : c'était en apparence la même situation, et en effet une toute autre manière d'être. L'attachement, le respect, l'intimité, la confiance, ne liaient plus les élèves à leurs guides ; nous les regardions plus comme des dieux qui lisaient dans nos cours : nous étions moins honteux de mal faire et plus craintifs d'être accusés : nous commencions à nous cacher, à nous mutiner, à mentir. Tous les vices de notre âge corrompaient notre innocence et enlaidissaient nos jeux. La campagne même perdit à nos yeux cet attrait de douceur et de simplicité qui va au cour : elle nous semblait déserte et sombre ; elle s'était comme couverte d'un voile qui nous en cachait les beautés.
- Parlons-en
Ce petit bolide littéraire n'est pas fourni sans un "manuel d'utilisation" détaillé : le Manuscrit de Neuchâtel, qui introduit ses Confessions, justifie sa rédaction, et explique sa démarche au lecteur:
Je serai vrai, je le serai sans réserve ; je dirai tout ; le bien, le mal, tout enfin.
J'ai résolu de faire faire à mes lecteurs un pas de plus dans la connaissance des hommes, en les tirant s'il est possible de cette règle unique et fautive de juger toujours du cœur d'autrui par le sien; tandis qu'au contraire, il faudrait souvent pour connaître le sien même, commencer par lire dans celui d'autrui.
Je veux que pour tâcher d'apprendre à s'apprécier, on puisse avoir du moins une pièce de comparaison; que chacun puisse connaître soi et un autre, et cet autre ce sera moi.
Avec le Manuscrit de Neuchâtel, Rousseau crée un " pacte autobiographique " avec le lecteur, fondé sur la transparence et l'honnêteté du récit des Confessions ainsi que la vocation du texte d'aider à la connaissance de soi.
- Les Confessions, oui, mais pour qui ?
Temps de lecture estimé : 4/5 jours
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